“Festival de Pédagogie sociale : Pédagogie des opprimés”- AVION
25 et 26 Octobre
Un pari insensé.
C’était un pari insensé que de réaliser un nouveau festival de Pédagogie sociale, de surcroît transporté dans le Pas de Calais, quelques mois à peine après ce lui de Chilly-Mazarin .
Mais l’envie venait de tous les côtés: de nos amis du Centre de formation au travail social, AFERTES/Mandela, de la Municipalité d’Avion, de nos amis des Centres sociaux de ce territoire, impliqués dans la Pédagogie sociale, de notre réseau tout entier, du Tiers lieu Liberta et de l’ensemble des acteurs locaux des territoires du Nord.
Nous avions été surpris et dépassés par l’ampleur des inscriptions, en provenance de toute la France , pour une part et d’une grande mobilisation locale, d’autre part.
De notre côté, Intermèdes Robinson est venu avec une délégation importante de 35 personnes: bénévoles, pédagogues sociaux , stagiaires, bénéficiaires et toute la troupe “d’Aven savore!”.
Mille mercis à tous nos amis sur place pour leur accueil sincère et chaleureux; pour les moyens qu’ils ont déployé pour organiser cet événement, mais aussi pour accueillir notre délégation, et pour toute la chaleur qui a été témoignée à cette occasion.
Une mention spéciale également pour Solillers, le Centre social de Lillers, représenté lui aussi par une équipe mixte de 50 personnes et qui est venue avec matériel, camionnettes… et même un Bus!
Le contenu de cet événement était à la hauteur de l’investissement: ateliers hors les murs, avec des ateliers de rue et cuisine de rue à Mazingarbe et Méricourt.
D’autres villes ont également été impliquées: Montigny en Gohelle, Salaumines, etc…
Pas moins de 13 ateliers ont été proposés aux participants: Théâtre forum, échanges de pratiques, Pédagogie Freinet, Danse, Peinture sociale, Pédagogie de la petite enfance, etc…
Des tables rondes ont réuni des acteurs, des usagers, des pair-aidants, des acteurs innovants.
Le thème de l’événement a été décliné sous toutes ses formes : spectacle, échanges, expérimentations, comptes-rendus.
L’importance d’un nombre important d’acteurs de territoires , à commencer par ceux du Nord laisse espérer et présager un vent nouveau d’initiatives sociales.
Tant mieux, il y a urgence!
Impressions d’Avion
Luna, Lena et Lana – Comment les conflits se dissèquent
Au deuxième jour du festival de pédagogie sociale une partie de l’équipe d’ Intermèdes Robinson est partie à Mazingarbes pour animer un atelier de rue, sur le même modèle que ceux que nous animons tous les jours dans le 91. Mazingarbes, c’est une petite ville entre champs, terrils et anciennes usines. Le quartier sur lequel nous nous rendons se trouve au bord des champs et les immeubles sont très abîmés. Les fenêtres semblent donner sur le vide, on y ressent un certain abandon quand on y arrive. Mais quand on y déballe, qu’on y propose quelque chose, alors tout s’anime, les enfants arrivent, les adultes s’arrêtent et la vie se montre.
De mon côté j’anime un atelier boxe. Comme souvent, à force de taper, parer, esquiver, on en vient à parler de violence, violence vécue ou violence souhaitée. La discussion peut être sérieuse ou pas, ou un peu des deux. Ce jour-là, Elise commence par imaginer que le sac de boxe c’est “la peste” de la classe et tout le monde en rit. Puis Timenzo explique qu’il est fâché à cause de son cousin, qui “ment tout le temps”, “à propos des choses qu’il achète”, et qui ne croit pas ce que Timenzo lui dit, et que Timenzo sait vrai. Il n’arrive donc plus à interagir avec lui. “J’aimerais bien lui faire confiance, parce que c’est mon cousin, mais à cause de ça, je ne peux pas”. Puis c’est Lena qui veut s’exprimer, mais elle se met à pleurer : “c’est qq chose qui se passe maintenant, là”. Elle se calme et s’explique peu à peu : Luna, son amie qui est là, veut s’accaparer Lana, son autre amie qui est là aussi. “Elle veut l’empêcher de vivre, mais moi je veux être amie avec les deux.” “Elle se fait du mal à elle-même”. “On voudrait toutes être amies, mais on n’arrive pas”. On s’assoit, on parle un peu plus de ces questions de confiance et de loyauté, j’ai bien du mal à suivre et à comprendre qui est Lana, qui est Lena, qui est Luna. En situation, on réfléchit à ce que c’est que d’être “possessif” avec ses proches. Et tout le monde a quelque chose à dire.
Alexandro – Comment les mots viennent en situation
Au retour, sur la route, je partage la banquette arrière du camion avec Alexandro. L’ambiance est calme et chaleureuse, certaines dorment, d’autres discutent. Alexandro a 10 ans et aime regarder par la fenêtre. Alors que nous traversons le Pas-de-Calais il remarque un de ces cimetières de guerre qu’on croise beaucoup sur ces routes : des rangées de croix blanches identiques, géométriquement alignées au milieu de l’herbe. Il demande de quoi il s’agit, et nous commençons à parler de la guerre de 1914-1918.
Nous parlons beaucoup : comment la région a été ravagée par les batailles, comment chaque famille en France a perdu au moins un proche, comment l’Etat français a fait venir des combattants des colonies. Fatoumata qui est née au Sénégal nous raconte que son grand-père a combattu en France, que son bataillon a été décimé à son retour, que son oncle a fait un film qui raconte ces évènements. Je raconte que le mien était prisonnier dans la guerre de 1939-1945, qu’il y aussi eu une guerre contre l’Allemagne en 1871, et sans cesse d’autres batailles pour conquérir l’Afrique et l’Asie. Alexandro raconte que son grand-père travaillait dans l’armée en Roumanie, et qu’un jour en creusant pour faire des cabanes son père a trouvé de vieilles armes. Sarah se demande quelles armes étaient utilisées et si ça existe encore. La situation nous provoque et nous met à l’écoute de toute cette histoire.
Puis Alexandro voit des bâtiments et m’explique : “Nous, en Roumanie, nous vivons dans des appartements, dans des immeubles. Mais ici en France, nous les Roms nous vivons dans des cabanes, dans des bidonvilles.”
Je lui demande ce qu’il préfère. “Je préfère en France, parce qu’en France, on peut apprendre.” “Apprendre quoi?” “Apprendre… le français.”
Je reste songeuse face à cet avantage : vivre en France pour apprendre la langue qu’on parle… en France. Et en même temps, je suis stupéfaite par l’aisance d’Alexandro et par ses paroles : la conversation sur ces sujets si complexes est parfaitement fluide et il a tant de choses à dire. Mais comment se fait il que je sois si surprise ? Supposé-je qu’il n’avait rien à dire ? Etait-ce moi qui ne comprenait pas, qui ne demandait pas ?
Il y a plusieurs types de silence : silence des enfants timides, mystère du babillage des bébés, mystère des paroles des jeunes allophones. En pédagogie sociale nous pratiquons l’accueil inconditionnel. Et cet accueil inconditionnel suppose d’accepter ces diverses formes de silence. De ne pas oublier qu’il y a derrière ces silences des idées, des souvenirs, des questionnements qu’on n’est pas encore capable de percevoir. De ne pas s’impatienter, même si on ne sait pas quelle situation les déclenchera enfin. Et puis un jour vient la conversation.
Semaine du 25 Octobre
Tandis qu’une partie importante de notre équipe était à Avion, pour le “Festival de la Pédagogie des opprimés”, une autre partie de l’équipe a réalisé l’accueil dans nos locaux , toute la semaine.
Réception de dons, de marchandises, distribution de colis, préparation de l’envoi de 40 enfants en “colonies apprenantes”, ouverture de la Recyclerie/Gratuiterie, Aides d’urgence, le Centre social a assuré toutes ses fonctions et missions à partir de l’équipe de permanence, sur place. Nos y reviendrons dans la KroniK prochaine, notamment pour les “colos apprenantes”…, en lien avec notre partenaire, les PEP 91!
VENDREDI 29 Octobre: Fête de l’extension du Jardin de Bel-Air et soirée Halloween !
En lien avec ses partenaires locaux et territoriaux (la Haye magique), et ceux qui ont déjà été impliqués dans l’ouverture du “Potager de Bel-Air”, des Robinsons, Intermèdes a obtenu le soutien de France-Relance et de la Fondation Bruneau pour développer cette action locale, remarquable comme initiative citoyenne et pour son importance sanitaire et alimentaire .
Le “Potager de Bel Air”, mis en œuvre par les Robinsons est devenu un véritable “Tiers lieu”, véritable base pour l’Espace de Vie sociale, Intermèdes-Robinson (agrément CAF) pour ses actions dans les quartiers prioritaires de Longjumeau.
Face aux enjeux sociaux du territoire, il fallait amplifier ce travail et cette expérience. Le projet d’extension du jardin potager, sous la forme d’allées d’arbres fruitiers et de “jardin ouvert” répond à cet objectif.
Ce vendredi 29 octobre était donc un jour doublement important: il permettait d’organiser un événement public autour de l’opération en cours; mais c’était aussi l’occasion d’organiser une fête de quartier , populaire, ouverte à tous, une soirée conviviale comme savent les faire les Robinsons depuis plus de 15 ans, sur le thème d’Halloween.
Le pari était risqué; on annonçait un temps exécrable et en effet, il a plu , pendant des heures. Mais nous avons un principe à Intermèdes: nous ne remettons , ni n’annulons les événements! Ceci pour garantir la confiance des publics et habitants.
Mais rien n’a découragé les participants; tandis que l’atelier cuisine s’organisait dans l’abri de jardin, les ateliers de préparation de la fête et de la soirée se réalisaient sous nos deux barnums.
La préparation des sacs de bonbons d’Halloween s’organisait dans nos camionnettes.
Mais le chantier de création du “Kiosque du soleil”, clef de voute du nouvel espace de “jardin ouvert” se tenait sous la pluie avec nos volontaires, ceux de “la Haye magique” et de nombreux coups de mains, d’habitants.
Et nous avons gagné (:-)) La pluie s’est subitement arrêtée, laissant place à une fête endiablée, avec un public nombreux.
La soirée s’est prolongée; les plats délicieux préparés tout l’après midi, dont la fameuse soupe “des deux Laura(s)”, ou les beignets des mamans ont agrémenté les jeux, les danses et les distributions de bonbons.
Samedi 30 Octobre
En plus du groupe de répétition “Aven savore”, et malgré la semaine plus que chargée, un atelier a eu lieu ce samedi. Encore une fois, le quartier Sud de Longjumeau a été élu (:-))
Un très bel atelier à Bel Air a permis de prolonger la fête de la veille et de distribuer l’abondante soupe complète (et avec citrouille).
Le jardin a été travaillé pour l’hiver.
Dimanche 31 Octobre : 40 enfants Robinsons partent en colo apprenante !
Sous l’impulsion d’Isabelle, ce jour 40 enfants sont partis en “colos apprenantes”; ils venaient de partout: des hôtels, des quartiers, de Chilly et de Longjumeau …
Un très grand merci à nos amis des PEP-91, de rendre cet événement possible. Et rendons aussi hommage au travail de l’équipe qui a aidé à remplir les dossiers des familles et des enfants, et à avoir su rester disponibles dans la précipitation que nous connaissons.