Visiocratie
La crise sanitaire a permis l’imposition dans toutes les pratiques professionnelles, et en particulier dans les secteurs où elles étaient complètement absentes , de nouveaux outils de concertation, communication et d’organisation à distance.
Visio partout
Bien que plurielles, ces nouvelles pratiques sont particulièrement bien illustrées au travers la prolifération, la généralisation , et même la normalisation des techniques de « visioconférence ».
Ainsi, quel que soit notre secteur d’activité, notre statut, et même nos choix et préférences, nous avons tous été accoutumés à d’interminables visioconférences; depuis les écoliers des classes primaires, jusqu’aux travailleurs sociaux, et même les intervenants artistiques, nous avons tous dû nous convertir à la suprématie de « la Visio »
Grâce à la crise sanitaire qui a permis d’aplatir toutes les résistances, la logique de la « réunion » en « visio » s’est imposée comme une nouvelle norme. Là où elle était auparavant une exception, l’apanage, la particularité ou le luxe des cadres des grandes entreprises, « la visio » a conquis tous les territoires: depuis la réunion politique, l’assemblée générale d’association, en passant par les réunions de parents d’élèves, les conférences, les congrès, les entretiens, les examens, les conseils, etc.
Mais cette fantastique généralisation n’est pas la seule caractéristique de ce nouveau mode de « travailler » et « opérer » ensemble; il y en un second dont les conséquences sociales et sociétales seront encore plus déterminantes: c’est l’irréversibilité !
Visio sans retour
Il n’y aura pas de retour en arrière, pas de retour à la normale. Les pratiques de « visio » constituent une aubaine pour reconfigurer complètement les modes de travail, de rencontre, et d’organisation.
L’organisation du travail à venir sera certainement vidée de nombreuses occasions de contact; les déplacements, les formations à l’extérieur, les rencontres de partenaires , les entretiens, examens, et même les colloques et séminaires ne sont pas près de revenir, bouleversant et modifiant considérablement l’activité de nombreux métiers devenus obsolètes.
Une aubaine économique bien entendu, car les gains de temps, productivité , de logistique sont immenses pour les structures et les institutions.
Mais également une aubaine idéologique , car la « visio » impose un nouveau mode de relation et de communication, qu’il convient d’analyser et dont les conséquences sont colossales en particulier dans les domaines et secteurs sociaux , éducatifs, sanitaires, et culturels.
La Visio altère la relation
La « Visio » impose y compris dans des champs d’activité, où elle était quasiment inconnue, une logique de distanciation. Notre capacité à nous intéresser nous mêmes; à ce qu’on dit et fait, se délite dès lors qu’on reste dans son salon, sa chambre. Nous campons, nous stagnons dans notre environnement quotidien et nous abordons les sujets de nos activités , avec ce contexte.
Nous ne sommes pas seulement détachés des autres à l’occasion de nos travaux et projets, parce que nous ne sommes pas ensemble, nous ne sommes pas seulement distants des autres par effacement de la convivialité, nous le sommes surtout parce que nous restons dans nos cellules.
Nous pourrions croire que cette immersion dans notre espace privé, pourrait apporter un peu plus de familiarité entre nous. Nous pourrions commenter le tableau sur le mur, l’apparition du chat en arrière plan, ou les bruits des enfants…
Visio contre intimité
Mais en réalité, la « visio » impose une forme de normalisation de notre « intimité ».
La logique de la « visio » détruit notre intimité à la fois en nous enchaînant à un espace « privé » qui se standardise, et en donnant accès à notre temps, à notre vie, à nos lieux.
Il en ressort une distance qui est bien plus dommageable que l’éloignement de ceux avec qui on travaille, car elle est avant tout distance à nous mêmes. Nous voici dorénavant un peu plus distants, un peu plus distraits vis à vis de ce que nous faisons, de ce à quoi on s’emploie et encore plus vis de tout engagement.
Pour le dire en un mot, la « Visio » nous dégage de notre travail et de notre pouvoir de travailler. Il suffira d’un petit clic et tout sera terminé. Tout ce à quoi on s’emploie peut disparaître à tout moment. Nous connaissions déjà la précarité dans notre travail, dans nos pratiques, nous voici maintenant confrontés à la précarité de notre attention.
La perte de l’intimité crée de la distance et de l’éloignement tant vis à vis de soi même, que des autres .
Nos modes de relation et de communication sont également transformés par l’épreuve de cette « Visio »
Visio et perte de la conflictualité
Avez vous remarqué comment les réunions en Visio son calmes? Même quand les sujets sont importants et qu’ils devraient déclencher des passions, des émotions, nous assistons au contraire à des superpositions de prises de parole, sans interactions entre elles .
Nous ne parlons plus: nous superposons nos discours. Nous ne débattons plus: nous alignons nos idées. Nous n’avons plus de conflits, de colères ou d’enthousiasmes, nous succédons juste nos déclarations.
Parler entre soi, débattre, se confronter, se disputer, cela permet normalement d’améliorer ou tout du moins d’enrichir notre perception d’une réalité qui est d’autant plus complexe quand elle est sociale, politique, et humaine.
La réalité perçue depuis les pratiques de « Visio » est désincarnée, inodore, sans saveur, sans émotions . Elle ne répond plus au souci de la cohérence élémentaire entre ce qu’on vit, ce qu’on pense et ce qu’on fait.
Elle est propice à toutes les manipulations, travestissements et simplifications.
L’idéologie de « la visio » s’impose partout. Elle est constitue une nouvelle étape, une nouvelle faille, un nouveau stade qui a été franchi.
La Visio , échelon d’une escalade d’abandons
Pour autant, dans notre secteur, tous ces changements s’inscrivent dans une tendance à l’éloignement des structures, des publics, des professionnels , qui n’est pas nouvelle et qui a été préparée de longue date , par le repli des institutions sur elles mêmes, et par la perte de la réalité des violences vécues par les publics.
Dans la période que nous venons de vivre, nos organisations qui pratiquent la Pédagogie sociale ont été rétives à la pratique de la « Visio ».
Ça ne nous intéresse pas ces « pseudos » rencontres, réunions, formations, … en visio . Nous ne sommes pas prêts , ni près d’abandonner le présentiel, comme la réalité qui va avec . Nous ne confondons pas la réalité de notre travail avec son pâle reflet « distanciel » .
La Présence comme acte politique
Nous ne sommes pas naïfs sur le fait que l’ajout la périphrase « à distance » n’a plus rien à voir avec la réalité qu’on évite. Une réunion à distance n’est pas plus une réunion , qu’un cours à distance en serait également un , ou qu’une consultation médicale à distance en serait une, ou qu’un vote à distance produirait de la démocratie.
Nous savons que la vie est sans distances, que la réalité est un choc. Nous savons que la rencontre est dérangeante, inévitable et nécessaire.
La distanciation est une fuite; la réalité frappera encore.
MARDI 11 MAI 2021
Atelier au bidonville du » Rond-point »
Nous ne sommes pas resté en reste pour autant. 3 enfants ont été à la médiathèque accompagnés de Flora,
Jeanne a fait un formidable accompagnement des CP, Alexandre a fait travailler les filles de CE1-CE2 et de mon côté, j’ai fait préparer toute une dictée de mots de CM1 avec des lettres de scrabble, outil idéal pour les enfants primo-arrivants.
C’était une très bonne séance de CLAS.