« l’Ecole du coronavirus »
Les profs au temps du tele-enseignement
De ce que nous pouvons observer , la contrainte au télé- enseignement produit chez les profs et parmi les administrations des effets bien exotiques.
Tandis que certains profs se défaussent à toute vitesse de leur obligation de donner du travail (en recommandant laconiquement par exemple de « tout » réviser , partout depuis le « début ») , d’autres semblent gagnés par le lyrisme et écrivent des pages de recommandations abstraites pour leurs élèves , où ils leur donnent des conseils de vie et toutes sortes de considérations générales (« surtout n’abusez pas des écrans, prenez le temps de lire, dessiner, etc… »).
Quand elles existent, les consignes concrètes sont disséminées sur toutes sortes de recoins des E.N.T, avec la grande probabilité, pour un enfant donné, de n’en apercevoir que quelques unes, au détriment des autres.
Ce n’est pas grave, comme d’habitude, on en fera reproche à l’enfant; en l’accusant de n’avoir pas écouté; de ne pas avoir été attentif…
Si les enseignants comme d’habitude ne se concertent pas , ne réfléchissent pas ensemble, ne prennent aucune peine pour apercevoir la situation globale qui est faite à l’enfant… ça ne pourra être que le fait des défaillances de ce dernier. C’est lui qu’on accusera au final de manque d’intérêt, et de désorganisation .
D’autres consignes te travail s’accompagnent couramment de documents introuvables, ou nécessitent des codes d’accès non fournis; certains liens complexes vers des contenus externes sont erronés, ou non « clicables »
Quelques enseignants semblent absolument vouloir recevoir des retours de leurs élèves.
Mais d’autres font tout pour que cela n’arrive pas (« Ne surchargez pas les boîtes de vos enseignants » , « n’envoyez pas de mail » , etc…)
Face à une telle disparité des attitudes au sein d’une même équipe, on peut s’interroger sur ce qui restera du dispositif. Les enseignants pourront ils vraiment estimer qu’un travail suffisant , concernant une proportion suffisante de leurs élèves, a eu lieu?
Pour mettre à nu l’absurdité de ce dispositif dit de « continuité » alors qu’il organise la plus grande rupture scolaire de l’histoire récente, il n’ y a nul besoin d’évoquer la réalité pourtant massive et oubliée de la majorité des enfants et des élèves qui n’auront ni les moyens, ni l’accompagnement , ni l’énergie , ni l’endurance de seulement croire au dispositif qu’on leur destine.
Les profs eux mêmes n’y croient pas ou font semblant de croire à des choses impossibles , comme si un coup de téléphone, peut être, un jour, pouvait racheter un oubli total.
Ce qui est effrayant par contre , ce sont ces belles histoires que des enseignants se racontent au sujet de dialogues et d’échanges avec leurs élèves ; comme s’il s’agissait d’une majorité d’entre eux; comme s’il ne s’agissait pas des milieux et des classes les plus riches et comme d’habitude , de tous ceux qui n’avaient besoin de pas grand chose.
Au fond, ce que toute crise révèle, ce n’est pas tant l’accident de ce qui arrive, que la fragilité absolue de ce sur quoi on comptait.
L’épisode du COVID et sa conséquence de fermeture des établissements scolaires, comme première mesure, réalisée dans une sorte d’évidence et d’euphorie générale , n’échappe pas à cette réalité.
Le problème ce n’est pas de continuer les relations en période de confinement; le problème ce n’est pas d’assurer la continuité des apprentissages .
Le véritable problème est la révélation qu’il est impossible de poursuivre des relations qui n’ont jamais été établies.
Le problème est qu’il est impossible d’assurer la continuité d’apprentissages qui n’ont jamais été intégrés ou installés , ou compris.
Le problème , c’est qu’il est impossible de transposer l’école à la maison , quand c’est l’école elle même qui n’avait plus de sens dans la vie des enfants.