Le sur-enfermement
De ce que nous observons dans les quartiers et les hôtels sociaux c’est une hypersensibilité et hyper réceptivité aux messages de peur en tout genre.
La peur augmente en confinement
Cela fonctionnait déjà très bien avec les peurs sociales, les peurs d’enlèvement , les peurs d’empoisonnement.
La peur de la contamination et les consignes de confinement ont trouvé dans les quartiers et auprès des familles précaires, un terreau tout à fait favorable.
Ces dernières n’hésitent pas à ajouter des peurs, aux peurs et des interdits aux interdits. Ici des mères de famille s’interdisent d’aller jusqu’à la supérette la plus proche, car elle pourrait être trop loin; là ce sont des jeunes qui répandent autour d’eux l’idée que c’est l’air qui est infecté et qu’il ne faudrait sous aucun prétexte , ouvrir une fenêtre. Alors, quant à sortir…
Croire que c’est fini « pour de bon » …
Les enfants précaires ont été les premiers à anticiper que l’école « c’était fini ». On aura eu beau leur en ajouter et tenter de les alarmer sur le fait que « ce ne sont pas des vacances » et que « l’école continue à la maison », pour un très grand nombre d’entre eux , la conviction est acquise. L’école c’est terminé, « c’est foutu » et nul ne sait si elle reprendra.
On comprendra dès lors qu’en plus des difficultés réelles d’accès aux contenus et aux exigences, c’est bien le sens qui leur aura manqué pour tenter de garder un contact réel avec les établissements et les enseignants, une fois passées , les premières tentatives.
Quand la réalité confirme le fantasme
L’auto-enfermement est une caractéristique majeure de la précarité, et c’est à la fois une expression, une cause et un effet , de cette dernière. Alors on imagine bien que quand la réalité vient corroborer les tendances morbides déjà bien installées, l’effet est radical et risque fort de dépasser les attentes et de constituer demain une nouvelle problématique sociale majeure, qui sera celle du « déconfinement ».
C’est dans l’imaginaire des administrations, des gestionnaires, des actifs et des décideurs dynamiques, que les enfants du peuple sortiraient trop; qu’ils échapperaient constamment à la surveillance parentale (par ailleurs toujours défaillante) .
Dans la réalité de ces 30 dernières années, cette vitalité populaire dans les quartiers, la plupart du temps, n’a pas fait long feu.
Les idéologies sécuritaires et de la peur ont eu raison de l’envie de sortir, du besoin social et des habitus traditionnels des classes populaires.
Aujourd’hui, les espaces « publics » dans les quartiers ont été majoritairement et pour longtemps désertés par les familles et les enfants; il ne reste que les jeunes les plus marginalisés qui tentent encore de les occuper et la police qui les y pourchasse.
L’enfermement est une drogue comme une autre.
Et nous n’avons pas fini de mesurer et de compter les conséquences du « sur-enfermement » et du confinement . C’est pour longtemps que ce qui restait encore de relation de confiance , sera brisée avec les institutions et en premier lieu l’École et les enseignants.
C’est pour longtemps que les enfants et jeunes trop enfermés se sentiront incapables de se déplacer par eux mêmes ou pour eux-mêmes.
C’est pour longtemps qu’ils se sentiront étrangers sur leur propre sol, sur leur propre territoire.
Distanciation sociale et perte d’empathie
Il ne faudra pas dès lors s’étonner que pour longtemps également, ils ne ressentiront aucune empathie pour ceux qui leur paraissent dorénavant trop étrangers et trop lointains; aucune solidarité pour ceux qui les ont abandonnés; aucun intérêt pour ce tout ce qui leur aura tourné le dos.
Pour y parvenir, nous avons cette expérience qu’il faut une pédagogie , une structure une organisation, qui initie, permette, et soutienne les tentatives .
Nous ne renverserons pas un tel processus, pas une telle énergie d’enfermement, et d’abandon, en recourant à la morale; nous n’y arriverons pas davantage , par la rétribution ou la valorisation des exceptions.
Faire une expérience inverse de proximité sociale
La seule voie pour sortir du sur-enfermement; la seule voie, pour remonter la pente de la précarité, c’est de créer les conditions d’une réalité et d’une expérience inverse de la vie.
C’est un travail profond, fort, puissant et exigeant qui ne peut se conduire qu’avec pédagogie ; il faut une pédagogie et une organisation sociales pour y parvenir.
Nous savons que ça marche; nous savons comment faire depuis les premiers pionniers de la Pédagogie sociale.
Il y faudra des volontés politiques.
VENDREDI 16: POINT DE SITUATION
EXTENSION DU DOMAINE D’INTERVENTION… ET DE NOS MOYENS
Depuis le début de la crise et des effets du confinement sur les familles, précaires, nous sommes appelés sur des sites plus éloignés que notre secteur traditionnel.
Ainsi, nous intervenons dorénavant à l’hôtel F1 de Epinay sur Orge (quartier de Petit Vaux), à l’hôtel Pierre Loti (Morangis) , au Première Classe (Chilly) , à l’hôtel du Lac (Saulx les Chartreux) et à l’hôtel du Golf (Savigny)…
Nos distributions à l’Hôtel du Golf de Savigny-Sur-Orge
ainsi qu’à l’Hôtel F1 d’Epinay Sur Orge
… en plus et en complément de nos interventions habituelles au Parthenon, Baladin et Astoria.
Mardi, nous nous rendons à l’Hôtel Astoria de Massy
Mercredi, à l’Hôtel Balladins/Welcomotel de Chilly…
La distribution du vendredi à l’Hôtel Parthénon de Chilly-Mazarin
Par ailleurs, nous distribuons dorénavant chaque semaine , au foyer ADOMA .
Mame et Riadh, dans leur soutien au foyer ADOMA proche de notre local
Enfin, et peut être le plus important en termes de quantité; nous sommes dorénavant littéralement débordés par la demande de distribution dans nos locaux, plusieurs fois par semaine.
Augmentation des quantités distribuées
A titre de comparatif, nous sommes passés d’une moyenne de 30-40 colis alimentaires distribués dans nos locaux , en temps « normal », à quasiment 300- 400 , actuellement , soit une multiplication par 10.
Les distributions au niveau de notre local s’intensifient de semaine en semaine
Le problème est que nous étions aux limites de nos possibilités de mener des intervention à la fois sur le plan de l’accompagnement humain (équipe réduite et sur-occupée) , mais aussi sur le plan des moyens de transport (nos 3 camionnettes sont sur-utilisées) , comme sur celui du stock de nourriture et matériel d’hygiène et petite enfance.
Nos deux collectes hebdomadaires à la Banque Alimentaire de Paris Île de France
Cependant nous bénéficions de soutiens inédits en cette période et c’est sans doute là un des points les plus remarquables.
Nouveaux volontaires
De nombreux bénévoles viennent renforcer l’équipe. Pour la plupart, ce ne sont pas des inconnus, en tout cas ceux qui restent.
Ce sont généralement des « anciens Robinsons » qui reprennent du service: anciens stagiaires, services civiques ; mais nous avons également fait de belles rencontres , notamment dans le réseau solidaire de Chilly, de personnes qui s’investissent au quotidien dans nos nouvelles activités.
Sur les bidonvilles d’Antony-Pôle, relevons également le beau partenariat avec l’association Romeurop-Antony; avec les volontaires de cette association, nous organisons ensemble les distributions (qu’ils alimentent également par des dons et apports de leur côté).
Les Robinsons aux côtés des habitants des bidonvilles d’Antony
Des soutiens matériels
Sur la plan matériel, un grand merci au PHRH , et aussi à la MAIRIE de MASSY !! En effet grâce à ces deux partenaires, nous bénéficions de deux véhicules utilitaires de prêt.
Nous bénéficions également d’alimentation centralisée et distribuée par la Croix rouge (SAIO)
Ces derniers nous permettent d’aller chercher davantage de nourriture là où nous on en propose et de pouvoir effectuer en même temps des activités de « collecte » et de « distribution ».
Remercions aussi les Fondations , organismes et entreprises qui nous soutiennent , que ce soit financièrement ou en passant de grosses commandes pour nous. Grâce à ces partenaires, nous pouvons faire bénéficier nos publics d’un stock important, continu et renouvelé de produits de première nécessité , alimentation de base et produits pour jeunes enfants.
… Et financiers
Mentionnons ici nos amis et partenaires de la Voix de l’Enfant, mais aussi THSN -Generali , ainsi que Caritas et la Fondation de France.
De nouveaux partenaires de coopération
Enfin, nous trouvons des coopérations et des services mutuels , localement; ainsi l’association des musulmans de Chilly, nous donne des denrées de base et nous les pourvoyons en produits petite enfance; des commerces locaux nous donnent des produits en fin de validité; remercions le magasin bio , Terre et Sens; mais aussi le grossiste « en froid » POMONA; ainsi que nos amis d’Animakt qui nous font bénéficier d’une part de leur approvisionnement en fruits/ légumes depuis Rungis.
Mentionnons également parmi les échanges et les aides matérielles, l’association Amélior de Montreuil qui nous a apporté viande et produits frais.
Il ne faudrait pas oublier pour autant les soutiens militants et les forts encouragements que nous recevons de nos réseaux, comme celui de la Fédération régionale des MJC.
ET PENDANT CE TEMPS LA, AU JARDIN …
Et oui, il n’y a pas que le confinement, et ses conséquences, en ce moment; la nature poursuit son œuvre.
Il n’a échappé à personne que c’est le printemps (ou bien l’été!)
Du coup pas question que nos jardins attendent; que ce soit celui de Saulx ou de le Jardin des Robinsons de Bel Air.
Les travaux doivent continuer; on sème, on plante, on repique, on désherbe …
Et c’est Joran, pour notre association, en attendant que des groupes puissent le rejoindre qui fait en sorte que lorsque le confinement finira;.. le jardin sera à jour, et prêt à recevoir et accueillir, enfants, familles et groupes.