la Société d’après

La Société d’après

Déconnexion joyeuse

Au début de la période du COVID et du confinement, nous avions cru percevoir dans l’autocritique de nos dirigeants, la promesse d’une salutaire prise de conscience, pour « après ».

Après un épisode dramatique vécu douloureusement, mais collectivement, viendrait peut être une société plus solidaire et plus juste.

Photo: Fares el Fersan

On connaîtrait et reconnaîtrait déjà les vraies valeurs. Nos dirigeants, des larmes dans les yeux, de sanglots dans la voix, nous l’assurent.

Et puis le confinement continue et le projet se précise. Les spécialistes envahissent les écrans , les réseaux et les ondes qui nous assurent que nous allons devoir vivre autrement.

Nous allons devoir apprendre à vivre en société sans expériences collectives; telle serait la « Leçon du virus ».

Il serait venu apprendre à l’Homme, la distanciation sociale.

Une société sans société

C’est que la société de demain sera sanitaire; elle sera « safe », sûre et hygiénique.

Elle sera froide et propre comme un étal de boucherie. Ce serait une société où on apprendrait à se méfier du contact physique de l’autre.

Une société où on se laverait constamment des effets de la fréquentation, de ses semblables.

Une société où nous érigerions non seulement et couramment des gestes barrières; et dans laquelle les gestes barrières deviendraient des clôtures et des fossés pour séparer la vie privée de la vie sociale.

Le confinement, ou enfermement chez soi est devenu une vertu . Il exprime la nécessité de se protéger soi et sa famille de tout ce qui nous entoure.

Nous y étions déjà habitués par une culture sécuritaire. Nous le serons désormais par une culture et une discipline sanitaires.

Le fantasme d’une société sans contact

Pour y parvenir, nous avons été bercés par de nouvelles sirènes. A quoi bon regretter la société d’avant? A quoi bon regretter la chaleur, la proximité d’avant? Ne pouvons nous pas tout faire sur Internet?

Est ce que nous ne pouvons pas remplacer la rencontre réelle et objective des autres, par des artifices électroniques?

Enfin , nous avons vu que l’École pouvait désormais complètement se passer de relations avec les élèves et se passer de tout souci éducatif.

La rencontre , la relation, mais aussi le conflit, les expériences socialisantes, les expériences humaines; tout cela peut désormais être renvoyé dans la Sphère privée.

Le public ne s’intéressera plus qu’à une « société cognitive », « apprenante », « intelligente », qui n’ a besoin que d’ondes 4 ou 5 G , pour se déployer

Le Travail social quant à lui peut désormais se réduire à une société de la continuité de l’information, du suivi de parcours.

On peut continuer à distance à contrôler et dispenser des connaissances, et , abstraitement, valider des domaines de compétence.

Plus besoin de grands rassemblements humains; exit les grands concerts, les manifestations en tout genre, les attroupements politiques et les rassemblements urbains.

Nous sommes dans la société du « un par un » , des petits groupes et du contrôle des attroupements.

Un mirage technologique enchanté agite désormais les responsables et les dirigeants. On pourrait avec des techniques et des outils adaptés, contrôler la température corporelle des passants, comme la température sociale des quartiers.

Une société de la cécité

La nouvelle société cumule un certain nombre de qualités qui réalisent des fantasmes de longue date de ceux qui nous gouvernent .

Elle aura en effet des vertus appréciables.

Elle permettra enfin de ne plus jamais voir ceux qui ne participent plus dès lors de la nouvelle société. Exit les enfants et les jeunes qui ne sont pas assez réactifs sur les Espaces Numériques .

Exit les familles populaires enfermées. Exit les jeunes sans formation, ni emploi qu’on ne verra plus;

On larguera les amarres, on perdra le contact avec tous ces invisibles , dont on ne parlera tout simplement plus car ils ne seront jamais présents sur les réseaux. On finira par ne même plus les comptabiliser car on n’aura plus de demande à leur égard autant qu’eux mêmes n’auront plus d’attente ou plus d’espoir pour eux mêmes, et aucun intérêt pour ce qu’on leur propose.

Une société de l’indifférence

Ce que permet la gestion à distance des individu et des populations, c’est de mettre en pratique une réelle indifférence.

Nous sommes de plus souvent confrontés à de curieux raisonnements de la part des collectivités et des institutions publiques, vis à vis de nos actions sociales et citoyennes de terrain.

Nous observons que les Institutions ne sont plus en mesure de percevoir de nombreuses différences.

Il est de plus en plus difficile à nos interlocuteurs de percevoir en quoi le véritable travail de terrain que nous effectuons diffère d’actions bien plus ponctuelles, avec un impact négligeable ou invérifiable.

Vues d’en haut, on ne peut plus faire la différence entre une action de voisinage, un événement ponctuel, une action symbolique , fortement médiatisée et valorisée, avec un véritable travail de terrain, durable et engagé.

Nous sommes de plus en plus confrontés à des raisonnements aberrants de responsables politiques, administratifs ou institutionnels, qui commencent tous par une opération de nivellement , sous forme de tautologies, comme: « Vous n’êtes pas les seuls »; « Tout le monde est pareil »; « Tout est honorable »…

Ce n’est d’ailleurs, pas seulement une impossibilité de percevoir les différences qui prend ces responsables, c’est tout autant une volonté affirmée de ne pas VOULOIR les voir.

Et nous sommes tout autant habitués au fait que ces précautions de discours servent le plus souvent à justifier , que quitte à « partager entre tous, le même mérite », nous devons par conséquent nous attendre à ne rien recevoir en termes de soutien, ou en tout pas pas grand chose, en rapport avec ce que nous réalisons.

C’est tout le paradoxe de cette « nouvelle » société de la distanciation et de la dématérialisation, d’aboutir à ne plus pouvoir distinguer entre ce qui dure et ce qui fuit; entre ce qui impacte, et ce qui passe ; entre le Vrai et l’apparence; entre le Travail véritable et l’opération de comm’;

Semaine – 1 avant dé-confinement donc… et c’est vrai que déjà, il y a certains signes qui ne trompent pas… le retour des habitués comme Hacen, Eddie et Hafsatou, ou celui de familles que nous n’avions pas revues depuis de nombreuses semaines.

Eddie’s back !!

Alors, nous prenons des nouvelles de la maman quand c’est le papa, des enfants et du papa lorsqu’il s’agit de la maman. Comment ça se passe à l’Hôtel ? les conditions ? ils nous racontent. C’est dure, souvent invivable. Et puis, il y a les enfants qui repointent par petites touches le bout de leur nez au local. On essaye de pas trop les plomber de consignes / barrières. On les laisse un peu aller retourner aux jeux de l’accueil… mais on fait gaffe, c’est tout. Ils ont le sourire avec malgré tout parfois un petit voile d’incertitude et de retenue dans les yeux, ça doit être l’ambiance générale…

S-1 avant dé-confinement… ce qui sonne comme un mauvais titre de série B Netflix ne change pas grand-chose pour nous. Même si nous avons dans l’idée de reprendre dès la semaine prochaine peu à peu nos activités de rue et les répétitions de la troupe, car c’est notre essence, notre respiration quotidienne… et pour cela, Joran et Kevin s’activent de leur côté à faire « tout beau » le jardin de Bel-Air. Mais la grande promesse d’un monde d’après forcément meilleur ne nous fait à vrai dire ni chaud ni froid : qu’il s’agisse des lieux de distribution où d’ici, au local, on sait maintenant que la fin des besoins ne se décrète pas d’un coup de baguette magique ou d’une appli… Et les réseaux de collecte se tarissent tout d’un coup, preuve en est que la machine est déjà prête à se remettre en marche. Les stocks, en attente, vont pouvoir être réinjectés… c’est la fin des surplus, on a changé les rouages défectueux, tout va bien !!

Et les queues de distribution continuent de s’allonger, le mètre est pourtant le même depuis la semaine dernière !

Au local, on a pris le pli, l’équipe est rodée, mais malgré tout, aucun « coup de chaud » du mardi ou du jeudi, les jours de distribution, ne ressemble à un autre. Les familles arrivent parfois plus d’une heure avant le début de la distribution. Une file un peu effrayante s’allonge sur l’avenue, et avant chaque préparatif, nous n’avons qu’une seule question en tête : aura-t-on assez aujourd’hui pour tout le monde ?

Nous continuons nos allers-venues à la banque alimentaire et à la croix rouge avec cette semaine, une tonne et demie environ de denrées récoltées.

Du côté du Carrefour Market, Riadh assure également les collectes du mercredi et du vendredi…

Nous recevons de la part de nos partenaire « La voix de l’enfant » et « THSN/Générali » un stock monumental de couches et de produits bébé divers que nous allons pouvoir redistribuer.

La chaîne se créait…
façon « Quinze de France »…
jusque dans le local…
Et en bout de chaîne, Martin gravit l’Everest !!

Toujours grâce à notre partenaire THSN/Generali, mais également par l’intermédiaire de nos amis de l’association « Massy-Espagne », nous recevons un stock important de fournitures scolaires, livres et coloriages à redistribuer aux enfants qui en ont besoin.

Nous faisons également le lien avec les écoles de Chilly auprès des familles des Hôtels du Parthénon et du Welcomotel/Balladins, en distribuant chaque semaine des enveloppes des devoirs pour les enfants.

Il est plus compliqué de trouver des filières de collectes de nourriture ? qu’à cela ne tienne, nous passons commandes de stocks de produits alimentaires de bases (pâtes, riz, œufs, huile, etc…) auprès de notre partenaire revivre ainsi que dans un supermarché de la région.

Dans le local, cela fait maintenant plusieurs semaines que Mariama et Mame ont ressorti les machines à coudre…

Côté distributions extérieures, nous continuons le « permalien » quotidien dans les bidonvilles d’Antony, de Massy/Champlan, dans les Hôtels Astoria, Parthénon, Welcomotel/Balladins, Pierre Loti, ainsi qu’au foyer Adoma de Chilly.

Ici, près du bidonville de Champlan…

Cette semaine, on peut estimer à environ 500, le nombre de familles croisées au fil de nos distributions… mais il s’agit à vrai dire d’un constat purement administratif qui ne relate rien de notre quotidien. Chaque soir, l’équipe est fatiguée. Parfois, on se rassemble autour de la guitare de Dusko, fourbus, mais contents d’avoir été un peu en contact avec des familles que l’on connait, ce qui efface de l’esprit tout idée de routine.

Distribution à l’Hôtel Astoria de Massy

Et pendant ce temps, au jardin des Robinsons, tout avance …

Aujourd’hui la pergola à enfin été montée avec l’aide précieuse de Kevin et Sébastien.

Demain nous peaufinerons la mise en place pour s’assurer que ce soit le plus droit possible. 


Nous avons commencé la plantation du reste des plants encore à la maison. Ça a été l’occasion pour quelques enfants de remettre les mains dans la terre du potager, accompagnés par Mariama . 
Avec quelques photos en pièces jointes.